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On a eu longtemps de fausses idées sur la conservation de la littérature classique pendant la période qui a suivi la chute de l'empire romain et précédé les temps modernes ; on a cru pouvoir définir le caractère du moyen âge : ce l'ignorance ou l'horreur de l'antiquité profane. » — « Le christianisme,» disait-on, a avait consacré par ses invectives éloquentes et recommandé ce dédain * . » L'érudition moderne a dissipé en partie ces erreurs. UHistoire de la littérature classique au moyen âge^ de Heeren, a ouvert la voie ; depuis lors, tant en Allemagne qu'en France, en Angleterre et en Italie , les con- naissances littéraires du moyen âge ont été mieux appréciées. On a prouvé que les légendes et les fabliaux de nos pères avaient, pour la plupart, une origine antique que la tradition ne saurait seule expliquer; et, dans des sujets plus élevés, on a ^ Charpentier, Histoire de la renaissance des lettres en Europe au xvi* siècle, U I, p. 4. / 4 VINCENT DE BEAUVAIS. constaté que la philosophie scolastique puisa directement plus d'une fois aux sources les plus variées de la sagesse antique. Sans doute, les grandes invasions, à partir du iv® siècle, furent accompagnées d'immenses désastres. Les lettres, et les sciences furent négligées à la fois par les Barbares , dont le génie mâle et rude s'accommodait plutôt des exercices guerriers, et par les Gallo-Romains, dont la mollesse et la corruption trouvaient peu d'attraits aux travaux intellectuels; mais elles ne périrent pas. Chaque époque, même celles qui furent le plus tourmentées et le plus abaissées, donna nais- sance à quelques hommes d'éUte, qui maintinrent intacts le dépôt et le culte des lettres classiques et les transmirent de main en main j usqu'au xvi® siècle, où la renaissance fut générale. En outre, de temps à autre, Tesprit humain reprenait ses droits. On sait quelle impulsion reçurent les études sous le règne de Gharlemagne; et ce serait se tromper que de croire que ce grand mouvement littéraire ne porta pas de fruits qui survécurent au grand empereur. La science devint le partage de quelques rares esprits qui la conservèrent comme un feu sacré; et ce sera l'éternel honneur de TÉglise de lui avoir donné asile, tandis que la société civile semblait plongée dans un matériahsme grossier que ne venait éclairer aucune lueur. Pendant que les Normands ravageaient la France, incendiaient les villes , enlevaient les femmes et les enfants pour en faire des esclaves, que les puissants du siècle, cantonnés dans leurs châteaux, ne connaissaient qu'une chose, faire la guerre, pendant ce temps, au fond des cloîtres, à Tombre des cathé- drales, de pieux solitaires se livraient avec ardeur à Tétude. Les textes sacrés, les Pères de TÉglise fixaient surtout leur attention; mais ils ne négUgeaient pas pour cela les lettres profanes. Dans tous les monastères de Bénédictins, il y avait un éco- lâtre pour instruire les novices. Les moines qui montraient des dispositions pour les lettres, étaient envoyés dans les couvents où enseignaient des maîtres fameux. C'est ainsi que les efforts faits par Charlemagne et continués par Charles le Chauve ne demeurèrent pas stériles , malgré les calamités qui pesèrent sur la France dès le ix® siècle. Au milieu des ruines amoncelées de toutes parts , on ren- contrait des hommes qui étudiaient les bonnes lettres, trouvant VINCENT DE BEAU VAIS. 5 dans cette noble occupation Toubli des malheurs qui accablaient leur pays. Quelle science dans Gerbert et dans Guillaume de Chartres , son disciple I On ne pourrait se faire une idée de rétendue des connaissances que possédait Gerbert, et auxquelles il faisait participer de nombreux élèves dans l'école de Reims, si un témoin oculaire n'entrait à cet égard dans les plus minu- tieux détails et ne nous faisait en quelque sorte assister à ses leçons * . oc II enseignait d'abord la Dialectique : il commentait les Isagogues de Porphyre, d'après la traduction du rhéteur Victorin, ou d'après MalUus. Il expliquait le livre des Caté- gories d'Aristote et le traité lïepl lp(XTiv£{a; : il passait aux Topiques traduits du grec en latin par Gicéron ^, et éclaircis par les six livres de Commentaires du consul Mallius. Il préparait ensuite ses élèves à la Rhétorique, en leur expliquant quatre livres de Topicis Differentiis , sur les Syllogismes catégoriques, etc. » Après ces préliminaires, dans la crainte que, sans la connaissance des locutions qu'on rencontre dans les poètes, ses élèves fussent dans l'impossibilité d'atteindre à l'art oratoire, le professeur abordait les poètes avec lesquels il était bon de se familiariser : il lisait et commentait Virgile, Stace, Térence, ainsi que Juvénal le satirique, Perse et Horace, le poète historien Lucain. Il enseignait ensuite la rhétorique, les mathématiques, la musique, l'astronomie. Richer, qui nous a conservé ces détails intéressants, mita profit les leçons de Gerbert, en imitant Salluste dans son Histoire. A cette époque, qui nous paraît si barbare, les questions littéraires et philosophiques avaient quelquefois le privilège de passionner les rois et les grands. Les princes ne dédaignaient pas tous les lettres. Le roi Robert était très- instruit et composait des hymnes *. En 970, l'empereur Othon P*" provoqua en sa présence et devant toute sa cour une joute scientifique entre Gerbert et le Saxon Otric, qui passait pour une des gloires de l'Allemagne. Les deux rivaux se posèrent et résolurent les questions les plus subtiles sur la philosophie et la physique : Gerbert sortit vainqueur aux applaudissements de tous*. Les méthodes d'enseignement 1 Richer, Histoire, Edit. Guadet, livre VIT, chap. cxlvi, cxlvii. • Richer se trompe. GicéToa n'a pas traduit les Topiques d'Aristote. » Fabricius, Bibliotheca latina, verbo Robertos. ♦ Richer, livre III, chap. lv à lxxvii. b VINCENT DE BEAUVAIS. remontaient à l'antiquité. Dans le Traité des Sept Arts, Gassiodore donna le résumé des connaissances de son temps, et ce résumé devint le programme des écoles pendant des siècles. En gram- maire, il abrège Donat; pour la rhétorique, il fait des emprunts à Gicéron ; il puise la dialectique dans Varron et dans Boëce ; pour les mathématiques, il copie le Grec Nicomaque et les tra- ductions d'Apulée et de Boëce ; pour la musique, le traité de Gaudence, traduit par Mutien. En géométrie , il suit Varron , Gensorin, Euclide traduit par Boëce. Gette division en sept arts devint typique, et fut reproduite par Isidore, les membres de Técole Palatine et les scolastiques. Dès le IX* siècle , on allait dans les écoles d'Espagne puiser chez les Arabes à certaines sources de Tantiquité, car les Arabes avaient connu et traduit presque tous les auteurs anciens *, et ce furent eux qui transmirent à l'Europe une partie des ouvrages d'Aristote. Mais si l'influence arabe fut considérable, elle ne fut pas exclusive, et l'antiquité était directement étudiée dans ses monuments originaux. A la fin du x® siècle (un siècle diffamé), Notker traçait à son disciple Salomon le programme des lectures qu'il devait faire pour bien entendre les divines Écritures. La liste des Uvres qu'il lui indique est fort longue ^ ; celle des auteurs renferme des noms qui nous sont inconnus, par exemple celui d'un Ladken, Irlandais , que recouvre un silence impénétrable. Il ne s'agit que d'auteurs chrétiens , mais l'énumération est presque complète : ce sont Jérôme, Ambroise, Origène, Prosper d'Aquitaine, Arnobe, Gassiodore, saint Grégoire, saint Just, évêque de Lyon (dont les ouvrages ne nous sont point par- venus), Jean Ghrysostome, Maxime, Léon, Pelage, Gassien, Isidore de Séville, Eucher, Bède, Raban Maur. Il n'oublie pas les grammairiens, Donat, Dosithée, Priscien; les poètes, Pru- dence, Sedulius, Prosper, Juvencus, les Distiques de Gaton, des Vies de Saints, le Pasteur d'Hermas; parmi les histo- riens {sic), Gennadius, V Histoire tripartite, le juif Josèphe. Voilà les auteurs qu'au x® siècle on se croyait obligé de lire pour être en état de comprendre les saintes Écritures. La . science profane n'ojffrait pas à certains esprits de moins vifs 1 Voyez Weinrich, De aiLctorum grœcorum versionibus et commenlariis siriacis et arabicis, Lipsise, 1842. « D. Pez, Thésaurus, é VINCENT DE BEAU VAIS. attraits. Richer s'exposait aux dangers qui accompagnaient un voyage, dans une époque de guerre et de troubles, pour aller de Reims à Chartres consulter un ouvrage d'Hippocrate * ! On peut affirmer qu'à la fin du xi® siècle et au siècle sui- vant, il y eut une haute culture intellectuelle. On est même en droit d'assurer que l'antiquité classique fut plus cultivée durant cette période qu'au xiii* siècle. Cette décadence dans les études, que nous ne sommes pas les premiers à constater, doit être attribuée à la scolastique qui détourna les esprits de l'étude des modèles laissés par les anciens pour les porter vers de stériles exercices de dialectique. Au lieu d'étudier, on préféra disputer, et tout favorisa ces dispositions. On vit naître, dès la fin du XII* siècle, des abrégés et des compilations qui dispen- sèrent d'acquérir la science au prix de longues lectures. Les extraits des Pères par Pierre Lombard , ceux des Canons par Gratien, et une Bible, formèrent un bagage avec lequel on put écrire volumes sur volumes, en étalant un grand luxe de citations. Cet état de choses fut aperçu par les contemporains ; un d'eux s'écriait : Lupi epistolx, 103. « yd., 10, 137, 104, 6, 8, 74. * Dubois, Dibliolheca Floriacensis. * Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque delà ville de Chartres, n» 125. « Guérard, Catalogue de Saint-Père de Chartres, t. II, p. 393. ^ Manuscrit n^ 93 de la bibliothèque de Chartres, donné par Tabbé Auvieu • Les abbés surtout tenaient à honneur d'augmenter les richesses littéraires de leur communauté. Mais c'était dans les abbayes elles-mêmes que les bibUothèques puisaient leur principal accroissement. Les moines copiaient à l'envi les manuscrits dont ils pouvaient obtenir le prêt. A Saint-Guilhem, on ne recevait pas de moine sans écritoire ^ ; à Saint-Martin de Tournay , douze moines étaient uniquement occupés à copier * . Sous Tabbatiat du seul Robert, abbé du Mont-Saint-Michel, mort en 1186, on transcrivit cent quarante volumes*. Certains reUgieux s'acquirent, par leur zèle à multiplier les manuscrits, une juste réputation. L'abbaye de Saint-Denis était célèbre par sa bibUothèque, et renfermait un dépôt des monuments de notre histoire : aussi , dès le xn® siècle , les romanciers et les poètes croyaient se conciUer la faveur de leur auditoire, en déclarant qu'ils avaient tiré le sujet de leurs poëmes des archives de Saint-Denis. Je n'ai pas l'intention d'insister davantage; je voulais seu- lement arriver à cette conclusion que, à partir du x* siècle, tous les monastères furent pourvus de bibliothèques qui tendaient toujours à s'accroître. Aussi , Baudry de Bourgueil , pour exciter un jeune homme studieux à prendre l'habit 1 Nécrologe de Jùmiéges : Mabillon, Annales ordinis sancti Benedicti, t. IV, année 1044. * Vanderbourg, Q. Horatii opéra, t. I, p. 392. * Mabiilon, Annales ordinis S. Benedicti, t. VI, p. 1156. * D'Achery, SpicHegium, t, XII, p. 443. ^ Le Beuf, État des lettres, p. 13. Nous attendons un mémoire de M. Delisle sur les catalogues que Robert de Torigny fit rédiger au Mont-Saint-Michel et sur les accroissements que lui dut la bibliothèque de ce célèbre couvent. Voy. Delisle, Ckronique de Robert de Torigny^ t. II, p. xvni et xix. — Le cata- logue de la bibliothèque de Fabbaye du Bec, dû au même abbé, a été publié par M. Ravaisson dans Touvrage intitulé : Rapports sur les Bibliothèqttes de VOuest, p. 375-395. 16 VINCENT DE BEAUVAIS. monastique , lui disait qu'en entrant dans les ordres il aurait des livres en abondance • . Voici l'indication de quelques-unes des bibliothèques d'ab- bayes qui jouissaient de la célébrité avant le xni* siècle, et dont l'importance est attestée par les catalogues qui nous en ont été conservés. Saint-Père de Chartres ^ ; Saint- Victor de Mar- seille ' ; Saint-Amand * ; Gorbie ^ ; Saint-Riquier • ; Moissac "^ ; Fleury-sur-Loire ; Saint-Martin de Tournay ; Saint-Marien d'Auxerre; Saint- Victor ; le Mont-Saint-Michel; le Bec. Les nouveaux ordres reUgieux fondés au xi* et au xii® siècle, Gîteaux, Prémontré, les Ghartreux, etc., unirent le travail des mains à l'étude : ils portèrent tous leurs soins à former de belles bibliothèques. Gîteaux possédait, dès le commencement du XII® siècle, une admirable collection délivres : il en fut ainsi de Glairvaux. Ghaque abbaye cistercienne eut sa bibliothèque, composée d'ouvrages déterminés et copiés d'après certaines règles. Le luxe en était exclu. Ainsi le voulait la règle de l'ordre , qui bannissait les vains ornements et proscrivait la pompe , même dans les cérémonies du culte * . Les Ghartreux de la Grande-Maison préférèrent les peaux et les parchemins que Gui , comte de Ne vers , leur envoya , aux vases d'argent qu'il leur avait d'abord destinés®. A la fin du xra« siècle, le catalogue de Sainte-Gatherine du Val des Écoliers renfermait trois cents volumes. La lecture était ordonnée même aux Ghartreux. Les couvents de femmes n'étaient pas étrangers aux lettres : il suffit de citer Herrade de Lundsberg, Kos- witha et le Paraclet *®. Les nonnes copiaient des manuscrits. * Annales ordinis sancti Benedicti, t. IV, p. 147. s Catalogue du xi* siècle, publié dans la Bibl de V École des Chartes, 3e série, t. V, p. 367. s Catalogue du xiie siècle, publié par Mortreuil. Marseille, 1854. * Catalogue du xii» siècle; Biblioth. nat., n» 1850 du fonds latin ; conf. Journal des savants, 1860, juin et septembre.. » Catalogue publié par A. Mai, Spicilegium romanum, t. V, et Delisle, Biblioth. de V Ecole des Chartes, 2* série, 1. 1, p. 2. * D'Achery , Spicilegium, t. IV. ■^ Rapport de Baluze à Colbert, Arch. nat., reg. de la Pairie. s D'Arbois de Jubainville, Études sur les abbayes cisterciennes. » Guibertus de Nogento, De vita sua, II, 10. 10 Sur Herrade, auteur d*une encyclopédie, on en est réduit, depuis Tincendie de la bibliothèque de Strasbourg, en 1870, par le bombardement allemand, à consulter la notice de M. Engelhard, 1 vol. in-4o. et un travail de M. Spach, dans ses Lettres sur les Archives départementales du Bas-Rhin, p. 187 et suiv. VINCENT DK BEAUVAIS, 17 Les chapitres et les évêchés avaient de riches bibliothèques, entre lesquelles on distingue celles de Paris *, de Rouen ^, de Laon ', de Bayeux *, de Beauvais, enrichie par ses évêques * et célébrée par l'autour du roman d'Alexandre, qui déclare avoir trouvé son histoire « dans l'aumaire Monseigneur Saint-Père, à Beauvais. » Les laïques , les nobles barons , n'étaient pas tous des ignorants. On voit un Foulque, comte d'Anjou, lire Végèce dans l'original ^; un Henri le Libéral, comte de Champagne, se délasser de ses travaux militaires par la lecture des clas- siques et des Pères : on possède encore un Valère-Maxime transcrit par son ordre'. Dans ses lettres, il citait Virgile, Horace , Ovide, Apulée. Les seigneurs -qui ne savaient pas le latin n'étaient pas tous indifférents aux bonnes lettres, témoin le comte Renaud de Boulogne , pour lequel on traduisit en français la Chronique de Turpin, et surtout le comte Baudouin de Guynes , qui s'entoura de savants auxquels il fit faire des traductions en roma7h des principaux auteurs sacrés et pro- fanes. « Il était si riche en livres, » dit un contemporain dans son enthousiasme naïf , « qu'on aurait pu le comparer à saint Augustin, pour la théologie , à Denis l'Aréopagite, pour la phi- losophie, à Thaïes de Milet, le romancier, pour les productions frivoles des Gentils, au j ongleur le plus célèbre pour les chansons de gestes , les aventures des nobles ou même les contes des vilains. H instruisit un laïque et en fit son bibliothécaire *• Les clercs les plus humbles s'estimaient heureux quand ils pouvaient faire figurer dans leur bibliothèque quelque poëte latin, surtout Ovide, qui jouissait d'une immense renommée ®. * Biblioth. du Chapitre Notre-Dame de Paris, par M. Franklin. > Langlois , Recherches sur les bibliothèques des archevêques et du chapitre de Rouen» 1853, in-S, et Biblioth, de VÉcole des Chartes, 3» série, t. I, p. 217. ' Voy. Catalogue des manuscrits des Biblioth. des départements, 1. 1, p. 43, et suiv. * Une partie de cette bibliothèque subsiste; on y remarque un beau Sigebert de Gembioux du xii*» siècle. ^ En 1217, Philippe de Dreux donna & son église de nombreux livres. Gallia christiana, i. IX, col. 739. * Chronique de Marm^utier, ^ D'Arbois de Jubainville , Histoire des comtes de Champagne, t. TU, p. 189. 8 Chronique de Guynes et d'ilrrfrw, par Lambert, curé d'Ardres, commence- ment du xin« siècle, édit. Godefroy-Menilglaise« p. 173 à 175. 9 Dans une pièce de poésie, intitulée le Département des livres, un trouvère raconte comment, échappé de son couvent, il a joué et perdu successivement 2 18 VINCENT DE BEAUVAIS. Les rois de France ne restèrent pas en arrière : Gharlemagne et Louis le Débonnaire avaient une riche bibliothèque ; Charles le Chauve suivit leur exemple. Dans son testament, il légua ses livres à Saint-Denis, à Notre-Dame de Compiègne et à son fils * . Jusqu'au xiv® siècle, les rois disposèrent en mourant de leurs livres, et ne regardèrent pas comrme un devoir de les transmettre à leurs successeurs. Il en résulta qu'ils n'eurent pas, à proprement parler, de bibliothèque avant Charles V. On sait que saint Louis avait réuni une nombreuse collection de .livres : on a cru qu'il les avait mis à la disposition de Vincent, et on a conclu, avec apparence de raison, que le dépouillement des auteurs cités par Vincent donnerait le catalogue de la bibliothèque du saint roi ^. Si cette hypothèse était reconnue vraie, le Spéculum de Vincent de Beauvais acquerrait une importance nouvelle ; mais il n'en n'est pas ainsi. Vincent n'a point pu profiter de la bibliothèque de saint Louis pour la composition de son Spéculum^ car, quand il rédigea ce grand ouvrage, saint Louis n'avait pas encore formé de bibliothèque : ce qui ne veut pas dire qu'il ne possédait pas quelques livres, mais il n'avait pas encore songé à réunir un nombre d'ou- vrages suffisant pour qu'on donnât à cette collection le nom de bibliothèque. En eflfet , Geoffroi de Beaulieu raconte que saint Louis ayant, à la croisade, entendu parler d'un Soudan qui faisait rechercher et copier des livres de tout genre pour l'usage des lettrés de son pays , voulut imiter cet exemple ^. A son retour en France , il fit copier dans les abbayes les bons livres, pour les déposer à la Sainte-Chapelle du Palais. Il y venait faire des lectures et rendait l'accès de ce dépôt facile aux hommes studieux : il expliquait lui-même les passages diffi- ciles. Dans le but de favoriser les études, il préférait faire copier des manuscrits que de les acheter : il multipliait ainsi le nombre des livres. Mais tout ceci se passait après 1253, c'est-à-dire ses livres, d'abord des ouvrages ecclésiastiques, puis Ovide, Lucain, Juvénal et Virgile, et enfin des poètes modernes. Gela donne une idée des livres qui se trouvaient généralement entre les mains des clercs. Méon, Fabliaux» t. IV, p. 404 et 406. * Capit : apud Carisiacwn, an 877. D. Bouquet, t. VIII, p. 781-702. * Petit-Radel, Essai sur les bibliothèques, p. 125-126. Cette opinion a été partagée par M. Oaunou, dans Tarticle bien insuffisant consacré par lui à Vincent de Beauvais dans V Histoire littéraire de la France, 8 Geoffroi de Beaulieu, Recueil des historiens de France, t. XX, p. 25. VINCENT DE BEAUVAIS. 19 après le retour du roi en France, et après que l'édition défini- tive du Spéculum avait été livrée au public. Vincent n'a donc pu donner le catalogue de la bibliothèque de saint Louis , qui n'existait pas encore quand il composa le Speculiom. Avec l'explication que nous venons de donner, tombent les conclusions qu'on avait tirées du fait dont nous avons démontré l'erreur. On avait fait honneur à saint Louis de la découverte de Calpurnius, de Ghalcidius, des épitres de Pline, de Sym- maque, d'Avienus, de Maximien , de Platearius , de Vitruve, des jurisconsultes Gaïus, Pomponius, Papinien, Ulpien, . Marcien , Herennius , Modestin , qui auraient été ( ce qui n'est pas exact pour tous) cités pour la première fois par Vincent, d'après les exemplaires acquis par saint Louis. Toutefois , si Vincent n'a pu puiser dans la bibhothèque de Louis IX, il n'en a pas moins été encouragé par ce prince ami des lettres, qui, ainsi que nous l'apprend Vincent lui-même , l'aida plusieurs fois de sa bourse pour supporter les frais qu'entraînait la com- position de ses ouvrages * . Vincent trouva donc de grandes ressources dans les bibho- thèques, dont quelques-unes étaient tellement accessibles qu'il les appelle publiques. Saint Louis lui donna de l'argent, sans doute pour lui permettre de faire des copies et des extraits ; mais ce ne furent pas là les seuls secours qu'il reçut. L'ordre de Saint-Dominique, auquel il appartenait, lui offrit et mit à sa disposition toute une armée d'auxihaires à la fois instruits et dévoués. Vincent parle lui-même plusieurs fois des extraits que ses frères firent pour lui. L'ordre des Frères Prêcheurs n'était pas à ses débuts ce qu'il devint plus tard. Quand on lit les constitutions rendues dans les chapitres généraux de l'ordre sous le règne de saint Louis , on est frappé d'admi- ration à la vue des efforts incessants des chefs des Dominicains pour propager l'instruction. Dans chaque couvent, on avait établi une école et une bibliothèque ^. La lecture des livres ^ Dans un ouvrage adressé à saint Louis et intitulé Consolatio ad Regem, Vincent s'exprime ainsi : c Semper etiam in sumptibus ad eadem scripta conficienda liheraliter, interdum, subsidia prebuisti. » > Voici quelques renseignements précis que j'ai recueillis sur renseignement chez les Dominicains durant la première moitié du xm« siècle. Dans chaque couvent il y avait un lecteur ou professeur pour enseigner publiquement. A défaut de frère assez instruit pour remplir ces fonctions, a saltem provideatur de aliquibus qui legant privatas lectiones, vel historias, vel summas de casi- 20 VINCENT DE BEAUVAIS. profanes n'était pas interdite , ainsi qu'on l'a prétendu ; elle était permise, mais sous certaines conditions de surveillance et de direction * . Vincent est là d'ailleurs pour attester que la culture des lettres profanes n'était pas prohibée chez les Frères Prêcheurs ; et il y a de l'injustice à affirmer , ainsi que l'a fait l'abbé Le Beuf, que la création, au xiii* siècle, des ordres mendiants, entraîna la décadence des lettres. Nous allons maintenant dresser l'inventaire des ouvrages de l'antiquité cités par Vincent de Beauvais dans les différentes parties du Spéculum majus. Je regrette d'être obligé de me borner aux auteurs profanes; j'aurais désiré que le lecteur pût se faire une juste idée du parti que sut tirer ce savant Domi- nicain d'ouvrages qui , au premier abord, semblent étrangers aux différents sujets qu'il avait à traiter. On verrait, d'après l'exemple de Vincent, quelle source féconde de renseignements sur l'antiquité profane offrent les Pères de l'Église , qui nous OQt conservé d'innombrables fragments d' œuvres à jamais perdues et à jamais regrettables ^. bus, vel aliquid hujusmodi ne fratres sint otiosi. n Chapitre de 1259, renou- velant des prescriptions plus anciennes. Arch. nat., LL, 1528, fol. 130. On établit à Paris une école où l'on envoyait de toutes les parties du monde les sujets qui ofTraient des dispositions pour Tétude (Chapitre de 1252.) Arch. nat.. LL, 1528, fol. 83. Les Dominicains avaient à cœur de former des biblio- thèques. Le chapitre tenu à Bologne en 1252 enjoignit de prêter des livres à ceux qui n'en possédaient pas (LL, 1528, fol. 83) : a Fratribus ad studium aptis et libres nonhabentibus per provincialem et deffinitorem provideatur in libris. prout melius poterit provideri. » — Le chapitre tenu à Paris en 1249, et celui tenu à Toulouse en 1258, indiquèrent les soins à prendre des biblio- thèques. Histoire littéraire, t. XVII, p. 34 à 36. En 1252, il fut défendu de vendre les livres de l'ordre et ceux qui appartenaient à des frères, sauf pour en acheter d'autres (LL, 1528, fol. 69). 1 Chapitre tenu à Paris en 1246 : « Constitutiones de modo studendi in libris gentilium prières faciant diligenterobservari. » (LL, 1528, fol. 55.) * Dans les citations que je ferai, la lettre D indiquera le Spéculum doctrinale; la lettre H, le Spéculum historiale; la lettre N, le Spéculum naiurale; les chiffres romains, les Livres ; les chiffres arabes, les Chapitres. VINCENT DE BEAUVAIS. 21 IV LITTÉRATURE GRECQUE PROFANE. S !•'. Philosophes. La langue grecque était presque inconnue au xrii^ siècle en France; on peut à peine citer quelques savants capables de lire en original les auteurs grecs ' ; mais plusieurs de ces auteurs avaient été traduits et jouissaient d'une plus ou moins grande réputation. Vincent a fait une compilation vraiment intéressante sur l'histoire littéraire de la Grèce. A défaut des œuvres des Grecs il a mis à contribution les auteurs latins, tels que Cicéron, Sénèque, Valère-Maxime, le catalogue de saint Jérôme, et les Pères de TÉglise, surtout saint Augustin. Mais, à côté de notions justes, on rencontre des traces d'une ignorance incroyable. Je ferai, une fois pour toutes, cette remarque qui a une importance capitale, c'est que Vincent et les autres écri- vains du moyen âge avaient un goût prononcé pour le merveil- leux, que les auteurs graves et sérieux avaient pour eux moins de charme que les écrivains de la décadence, amis des fables, qui sont trop négligés de nos jours, mais dont l'influence a été souveraine au moyen âge , et où notre littérature nationale a .puisé abondamment. Ce sont ces légendes qui ont trouvé en France des imitateurs. Nous ne pourrons faire un pas dans notre étude sans rencontrer une preuve nouvelle de ce que nous venons de signaler. BiAS. — Vincent fait deux citations précédées delà rubrique ByasPrieneus (H. II, 12). Une faut pas en conclure qu'il ait connu quelque ouvrage de ce vieux sage ; les deux sentences sur l'amitié mises sous son nom lui appartiennent, mais elles sont tirées de Valère-Maxime (H. VII, ch. ii). SoGRATE. — Trois chapitres (56, 57, 58) du Livre V du ^ Vincent cite lui-môme (H. I, 125), son contemporain, Tévôque de Lincoln, Robert Grosse-Tête, etc., qui avait traduit récemment les testaments des douze «nfants de JacobI ouvrage apocryphe. 22 VINCENT DE BBAUVAIS. Speculv/m historiale sont consacrés à Socrate , à l'exposé de sa vie, de sa doctrine, de ses ouvrages ; il n'y a, comme on le pense bien, aucune citation de quelque livre de ce philosophe , mais des sentences tirées de saint Jérôme {contre Jovin), deCassien, {Conférences), d'Aulu-Gelle, de TertuUien, de Sénéque, de Valère-Maxime, et quelques autres dont la source n'est pas indiquée (D. IV, 125, 130), qui ne sont rien moins qu'authen- tiques et qui paraissent avoir été puisés dans un de ces recueils appelés Flores, si communs au moyen âge. Relevons toutefois un passage de Hugues de Saint- Victor {Didascalicon, m), où il est dit que Socrate est l'inventeur de la morale {Ethica) et qu'il composa un traité de vingt-quatre livres sur la morale, suivant la justice positive « qui de ea viginti quatuor libres secundum positivam justitiam conscripsit. » Xénophon. — Vincent (H. 111, 67) a consacré tout un chapitre à Xénophon : il rapporte deux anecdotes, d'après Aulu-Gelle (XIII, 3) et Valère-Maxime (V, 10) : il cite un fragment de saint Jérôme {Contre Jovin) où il est dit que Xénophon décrivit les mœurs des Perses, en huit livres. Dans un autre endroit ( H. III, 64), il mentionne Cyri Régis ascensus, qu'au dire d'Eusèbe, écrivit Xénophon. Il ajoute qu'il ne se rappelle pas avoir vu ce livre, ni avoir jamais lu ce que pouvait être cet Ascensus. Quant à saint Jérôme, il attribue au même Xéno- phon la vie de Gyrus en huit livres ; il est question dans ces passages de la Cyropédle et de VAîiabase. L'ignorance de Vincent des ouvrages de Xénophon était commune au moyen âge : je ne les ai trouvés cités dans aucun auteur plus ancien ou contemporain. Au cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque nationale, il n'y a aucune traduction latine de Xénophon anté- rieure au XV® siècle. Les deux premiers volumes du Catalogue général des manuscrits des bibliothèques des départements ne renferment l'indication d'aucun ouvrage de cet écrivain. Platon. — Vincent consacre six chapitres à l'exposé de la vie et des doctrines de Platon (H. III, 74 à 79, IV, 6), d'après Eusèbe, saint Jérôme {Contre Jovin), Valère-Maxime, Sénèque {De beneficiis), TertuUiea {Apologie), saint Augustin {Cité de Dieu), Macrobe, le faux Mercure Trismégiste et le moine Hélinand. Il ne cite, dans ces chapitres, directement aucun traité de Platon; cependant il connaissait le Timée de la traduction de Ghalcidius, dont il donne des extraits (H. IV, '6 : « Ghalci- VINCENT DE BEAUYAIS. 23 diusin proemio Platonis, » et H. IV. 6). Les notions les moins inexactes sur les différents traités de Platon sont empruntées par Vincent à la chronique d'Hélinand, aujourd'hui perdue (H. m, 77). Aristote. — L'immense réputation dont jouissait Aristoto au moyen âge , l'universalité des connaissances humaines qu'il embrassait dans ses écrits, lui assuraient une place consi- dérable dans la compilation de Vincent de Beauvais ; mais, à priori, on peut être assuré que les citations du Stagirite sont moins fréquentes dans le Spéculum historiale que dans les autres Miroirs. J'ai relevé dans le Spéculum naturale et dans le Doctrinale l'indication des ouvrages d'Aristote dont s'est servi Vincent; je présente donc le tableau complet des traités d' Aristote mis en œuvre dans le Spéculum majus. Catégorie (fl. III). (Voy. Predicamenta), De cela et mundo (D. I, 15; N. II, 3, III, 6). Elenchi (D. III, 90; H. III, 89). Ethica (H. III, 85 à 88). de Lapidibus fN. VIII, 34.) Metaphysica (D. I, 24, III, 33, 44 ; D. I, 17). Metaphysica Nova (D. XVI, 59; H. III, 44). Meteora (D. XV, 49). Physica (D. XV, 7 ; N. III, 7). Predicamenta (D. III, 28). (Voyez Catégorie.) Prior, (D. III, 35). Sex Principiorum (D. XXXIII, 22). Topica (H. III, 69). De Vegetabilibus (D. XV, 11 ; H. III, 44). Vincent a connu beaucoup plus d'ouvrages d' Aristote qu'il n'en cite. Le chapitre 84 du Uvre III du Spéculum historiale renferme des renseignements très-précieux pour l'histoire littéraire , c'est une liste des ouvrages d' Aristote connus du temps de Vincent. Cette liste est étendue et à peu près com- plète. Gela ne doit pas étonner, car ce fut justement à partir des premières années du xm* siècle que les nombreux traités d' Aristote, qui étaient pour la plupart restés ignorés, furent connus et prirent rapidement une vogue extraordinaire, grâce aux traductions qui en furent faites, soit de l'arabe, soit du grec. Je transcris la liste donnée par Vincent, dans l'ordre suivi par l'auteur, et en conservant les titres sous lesquels les diffé- rents ouvrages d' Aristote étaient alors connus. 24 VINCENT DE BEAUVAIS. Scripsit Aristoteles : De Arte Logica, Librum Categoriarum^ id est Predicamentorwn, Secundum quosdam, Librum Sex Principiorum (apocryphe). Librum quoque Péri Hermeneias : Et Libros Analyticorvm priorum, et posteriorum, Topicorum, etiam Et Elenchorum. Porro de Physica, id est naturali scientia libros edidit : De Physico auditu Et Gêner atione et Corrvptione. De Anima, De Sensu et Sensato, De Memoria et Reminiscentia, De Somno et Vigilia, De Morte et Yita, De Vegetabilibus Et etiam de Animalibus, Secundum quosdam^ De Quatuor Elementis. Libros quoque Meteororum. Et Metaphysicorum. Extat etiam liber qui dùntur Perspectiva Aristotelis et alius^ut fertur, qui didtur Theorica ejusdem. Et est ipsius Epistola ad Alexandrum de dieta servanda.. Etiam scripsit Ethicorum libros IV. Dans cette liste ne figurent ni la Mécanique, ni la Poétique, ni la Politique, ni l'Économique. Remarquons que Vincent a connu le traité de Cœlo et Mundo qui n'est pas inscrit sur sa liste, et qu'il ne paraît pas avoir eu à sa disposition la Rhéto- rique, qu'il n'ose attribuer avec certitude à Aristote {ut fertur) ' . Notons les ouvrages apocryphes : De sexprincipiis, de IV Ele- mentis, Perspectiva, de Dieta servanda, et le de Lapidibus, dont le Spéculum naturale offre des extraits. Par de Ethica libros IV, Vincent entend le premier livre de VEthica nova et les trois livres de V Ethica vêtus. V Ethica nova répond au premier livre des Ethiques à Nicomaque : VEthica vêtus est un fragment des mêmes Éthiques à Nicomaque, qui s'étend du commencement du deuxième livre jusque vers la fin du troisième. Le titre Ethica velus indique tout ce qui, avant la fin du xn® siècle, était connu de la morale d' Aristote, d'après d'anciennes traductions faites sur le grec^. 1 II cite la Rhétorique d' Aristote d'après Gicéron. * Gonf. Jourdain, Recherches sur les traditions d^ Aristote, p. 377. VINCENT DE BEAUVAIS. 25 L'histoire de la connaissance des écrits d'Aristote au moyen âge est intimement liée à l'histoire des traductions des œuvres de ce philosophe ; car peu de personnes étaient en état de les lire dans l'original, et les grands scolastiques durent attendre, pour être initiés à ses doctrines , qu'on traduisît les ouvrages qui les renfermaient. Jusqu'à la fin du xn® siècle, on ne connaissait guère que la Logique. Abélard déclarait n'avoir lu ni la Physique^ ni la Méta- physique ^ par ce motif que personne n'en avait donné de traduction * . Moins d'un siècle après, les ouvrages de Guil- laume, évêque de Paris, mort en 1248, contiennent la mention de presque tous les traités d'Aristote qui nous sont parvenus. Albert le Grand alla jusqu'à composer une foule de traités portant des titres empruntés à ceux d'Aristote. Or c'est jus- tement à l'époque où les œuvres d'Aristote, nouvellement tra- duites, étaient introduites dans les écoles, qu'écrivait Vincent; il ne savait pas le grec, il fut donc obligé d'avoir recours à des traductions; mais ces traductions n'étaient pas toutes de même nature. Les unes étaient anciennes, les autres récentes; les unes étaient faites sur le grec , d'autres sur des versions arabes. Pour la philosophie rationnelle, Vincent s'est servi des an- ciennes traductions latines remontant à une époque éloignée, peut-être à la basse antiquité, qu'avaient employées avant lui Abélard, Jean de SaUsbury, etc. licite des traductions faites récemment sur l'original grec, de la Physique^ de la Méta- physique, du Traité de l'âme ^ des Parva naturalia et des Ethiques. Enfin, il met en usage des traductions latines faites sur des versions arabes du traité de Cœlo et Mimdo, de l'histoire des Animaux, du livre des Météores, sauf le quatrième livre, et du livre des Plantes *. Si Vincent donne une liste à peu près complète des ouvrages d'Aristote connus de son temps, nous avons vu que, pour plusieurs de ces traités, il n'en connaissait que les titres. Ajoutons qu'il connaissait imparfaitement ceux dont il nous a transmis des extraits. Au point de vue philoso- phique, il n'a pas toujours bien saisi les doctrines d'Aristote '. 1 OEwyres inédites, p. 258. s Jourdain, Recherches sur les traductions latines d'Aristote^ p. 371. s Haurôaui Histoire de la philosophie scolastique. 26 VINCENT DE BEAUVAIS. On lui reprocha, de son vivant, d'avoir fait des citations tron- quées et incomplètes, et même inexactes. Il crut devoir répondre à cette critique, en avouant qu'il avait inséré dans son Spéculum des extraits recueillis par des frères de son ordre, qui ne reproduisaient souvent pas le texte original, mais qui donnaient le sens, en abrégeant ce qui était long, et en éclair- cissant ce qui était obscur. Ego autem in hoc opère vereor quorumdam legentium animos refragarij quod nonnullos Aristotelis flosculos, precipueque ex libris ejusdem physicis et metaphysicis, quos nequaquam ego excerpseram, sed a quibusdam fratribus excerpta susceperam, non eodem verborwm scemate, scilicet quo in originalibus suis jacent, sed or dîne plerumque transposito^ nonnunquam etiam mutata paululum ipsorum verborum forma, manente tamen auctoris sententia, prout, vel proliantatis abbre- viande, vel multitudinis in unwm colligendœ, vel etiam obscuritatis explanande nécessitas exigebat, per diversa ca/pitula inserui. Cet aveu que Vincent ne craint pas de faire pour certains ouvrages d'Âristote, tels que la Physique et la Métaphysique, doit s'étendre à tous les autres. Au reste, jamais les citations de Vincent ne sont rigoureusement exactes : et, en cela, il était de son temps. Mais Tengouement qu'avait inspiré Aristote, fit trouver mauvais à ses partisans que notre Dominicain n'eût pas scrupuleusement reproduit le texte sacré du maître. D'ail- leurs, ce qui peut faire excuser Vincent, c'est que la connais- sance des ouvrages d' Aristote prit un grand essor de son temps, et que tout entier à l'immense labeur de la composition du Spéculum^ le loisir lui fit défaut pour se livrer à une étude approfondie des livres du Péripatéticien, dont chaque année, pour ainsi dire, faisait éclore un nouveau, en mettant au jour la traduction d'une œuvre restée jusqu'alors inconnue. Theophraste. — Trois chapitres sur Théophraste (H. IV, 2 à 4). — Vincent donne (d'après Aulu-Gelle) le titre d'un traité sur l'amitié, et d'après saint Jérôme [Contre Jovin, 1. I) des extraits d'un traité sur le mariage. Nulle mention des Caractères. Athenodore le Stoïcien. — Sentences (H. VI, 105, et D. IV, 36) tirées d'un recueil de sentences. Plutarque. — Les chapitres 47 et 48 du livre X du Specu- IvïïTh historiale renferment des anecdotes sur Plutarque et des extraits d'un ouvrage attribué à ce philosophe, intitulé : VINCBNT DE BEAUVAIS. 27 InstituHo Trajani. Vincent en donne la dédicace. Yoici le début : Modestiam tuam noveram non appetere principatum, quem tamen , semper morum elegantia merens , induisti. Plutarque continuait en souhaitant que son élève lui fît plus d'honneur que Néron à Sénèque, Domitien à QuintUien, Alcibiade à Socrate, car on fait un crime aux maîtres des vices de leurs élèves, et il terminait en affirmant à Trajan que les conseils de Plutarque ne pouvaient que lui être salutaires, ainsi qu'à l'Empire. Dans le chapitre 16 du livre VII du Speculyïïïh doctrinale^ cette dédicace est reproduite ; le chapitre 8 du même hvre contient un autre fragment de VInstituUo Trajani : Ut itaque respublica, ut Plutarcho flacet, corpus quodam divini numinis beneficio animatur, et nutu su/mme sequitatis agitur, et regitur quidam moderamine rationis. Plu- tarque s'efforçait d'inculquer aux princes quatre vertus , rêve- rentiamDei^ cultum sut, disciplinam officialium et potestatum, affecPwm et protectionem subditorum. Il ajoutait : Idem scriptit de magistratuu/m modérations, quiinscribitur Archigrammaton. Ni VInstitutio Trajani^ ni V Archigrammaton ne nous sont parvenus. Ce sont même, suivant toute probabilité, deux traités apocryphes : de V Archigrammaton nous ne connaissons que le titre. Les citations que je viens de faire de V Institution du Traja/n nous invitent à faire croire que cet ouvrage n'est pas de Plutarque. Dans son excellente Histoire du roman dans V anti- quité grecque et latine, M. A. Ghassang s'est préoccupé , à juste titre, des chapitres 47 et 48 du livre X du Spéculum his- toriale, dont nous venons de parler; mais M. Ghassang s'est, je crois, trompé: il a cru que V Institution de Traja/n était une sorte de légende, a Le héros de l'ouvrage, c'était Plutarque. On le voit en un endroit faire battre de verges un esclave méchant et rebelle, mais d'un esprit très-cultivé : cet esclave, tandis qu'on le corrigeait, se plaignait amèrement de son maître et lui reprochait de ne pas se comporter en philosophe. Plutarque lui prouvait qu'il n'était pas en colère, et continuait à faire battre de verges le mauvais esclave, afin de lui appren- dre qu'il valait mieux se rapentir que d'accuser son maître. » ce Si nous ne nous trompons, » poursuit M. Ghassang, a ces nar- rations faisaient partie de quelque vie fabuleuse de Plutarque, et cela était l'œuvre, non d'un écrivain du moyen âge, mais de quelque sophiste grec de la fin de l'époque romaine. » 28 VINCENT DE BEAUVAIS. Distinguons : le récit de Vincent se compose de deux par- ties : 1® de rhistoire de Plutarque et de son esclave; 2« de l'extrait de ïlnstitutio Trajani. Or ces deux parties n'ont pas, comme le pense M. Ghassang, une seule et même source, mais deux. L'anecdote de l'esclave est tirée, non pas d'une histoire fabuleuse de Plutarque, mais tout simplement des Nuits atti- ques d'Aulu-Gelle , qui l'a rapportée d'après le philosophe Taurus , contemporain et ami de Plutarque. Voilà donc l'his- toire fabuleuse de Plutarque réduite à néant. Bien que Vincent ait beaucoup emprunté aux ouvrages apocryphes, il ne faudrait pas croire que tous les faits extraordinaires qu'il rapporte, sans citer de sources, soient tirés de livres de légendes : une partie du merveilleux du moyen âge a son origine dans les prodiges transmis par l'antiquité , travestis et adaptés aux mœurs du temps. QviBXLidLV Institution de Trajan, il est probable que c'est un livre apocryphe, mais remontant à l'antiquité. Toutefois, ce n'est pas à Vincent de Beauvais que doit revenir l'honneur de nous avoir conservé quelques fragments de ce traité. Les cha- pitres 46 à 48 du livre X du Spéculum historiale portent en effet la rubrique : Helinandus. Le chapitre 8 du livre VII du Spé- culum doctrinale porte une rubrique un peu plus expUcite : a Helinandus Cromc.,1. II. » C'est donc à la Chronique d^Héli- nand, Uvre II, que Vincent a emprunté ce qu'il nous apprend sur Plutarque; or on sait que les quarante-quatre premiers Uvres de la Chronique d^Hélinand sont perdus, et que nous n'en avons que de nombreux extraits insérés par Vincent dans son Spéculum, extraits qui n'ont pas encore été réunis, mais qui mériteraient d'être recueillis. En remontant plus haut , on trouve qu'HéUnand n'a pas connu , plus que Vincent de Beauvais, le traité de V Institution de Trajan, et qu'il a copié ce qu'il en rapporte dans le Policraticus de Jean de Salisbury. M. Diibnor a réuni, dans l'appendice de son édition des œuvres de Plutarque ^ plusieurs passages de cet ouvrage rapportés dans le Policraticus : or toutes les citations d'Hélinand appartiennent aux textes transcrits par Jean de Salisbury ; et, ce qui prouve invinciblement qu'Hélinand n'a connu que le Policraticus^ c'est que la dédicace de Plutarque 1 Collection grecquo-latine de Didot. Œuvres de Plutarque, appendice . p. 59 et 60. VINCENT DE BEA.UVAIS. 29 à Trajan est suivie, dans sa chronique, d'une phrase où Jean de Salisbury annonce le but de Plu targue d'inculquer aux princes quatre vertus. Il n'est pas jusqu'à la phrase dans laquelle Hélinand annonce que Plutarque est l'auteur d'un traité intitulé Archigrammaton, qui ne soit de Jean de SaUsbury. Notez que le Policraticus renferme d'assez nombreux extraits, quoique courts, de l'Institution de Trajan qui ne se retrouvent pas chez Vincent et qui prouvent que Jean de Salisbury avait sous les yeux l'original ou plutôt la traduction latine de Vins- titution de Trajan, livre qui, au siècle suivant, ne fut directe- ment connu, ni d'Hélinand, ni de Vincent de Beauvais, et que je ne me rappelle pas avoir vu citer par aucun autre auteur du moyen âge * . Sextus. — Sextus Pythagorùyus ^ in libro sententiarum : Citât. H. VI, 96 et D. IV, 31. On voit que Vincent ne partageait pas l'opinion de ceux qui attribuaient au pape saint Sixte ou Xyste ^ , un livre de sen- tences, où il n'y a, ainsi que l'a fort bien remarqué saint Augustin, aucune trace de christianisme ^. Secundus. — Deux chapitres du hvre X du Spéculum his- toriale (70 et 71) retracent la vie du philosophe Secundus et donnent quelques-unes de ses sentences. La biographie du philosophe est extraite d'un ouvrage anonyme appelé Gesta Secundi. On dirait une vie de saint, et peut-être Vincent l'a-t-il pris pour tel. C'est une vraie légende : Secundus avait entendu dire dans les écoles que toutes les femmes étaient des impudiques et des prostituées. Il n'oublia pas cette maxime. Etant revenu dans Athènes sa patrie, après de longs voyages, il ne se fit pas reconnaître et essaya de séduire sa mère par des présents. Il obtint un rendez-vous et déclara qui il était : sa mère mourut de honte, et il jura de ne plus parler, puisque, par ses paroles , il avait coûté la vie à l'auteur de ses jours. Adrien, instruit de sa sagesse, voulut l'entretenir : Secun- dus refusa d'ouvrir la bouche. Adrien le menaça et le livra au bourreau qui se mit en devoir de lui trancher la tête, sans que rimminence du danger vainquît l'obstination du philosophe. 1 Certains manuscrits, mais postérieurs au xni« siècle, renferment la dédicace. * Le Liber sententiarum Sexti a été publié dans le tome HE de la Bibliotheca maxima Patrum ; il avait été déclaré apocryphe par le pape Gélase. ' Rétractât., lib. U, cap. 43. 30 VINCENT DE BEAUVAIS. L'empereur le pria de répondre par écrit aux questions qu'il lui adresserait : ce qu'il fit volontiers. Telle est la prétendue origine des sentences qui nous sont parvenues sous le nom de Secundus et dont Vincent donne une trentaine. Il est bien entendu que ces sentences sont en latin. La vie de Secundus, reproduite en partie par Vincent, a été publiée par G. Barthius {Adversaria^ XV, 17) ; l'original grec l'a été par Orelli {Opusc. Grœcorum vetem/m sententiosa, I, p. 288), ainsi que les sentences attribuées à Secundus, les- quelles avaient déjà été données au public par Holstenius. Plotin. — Deux chapitres sur Plotin (E. IV,' 8 et 9). Vincent ignore l'époque où vivait ce philosophe, qu'il place après Apulée, à la suite de Platon. Il raconte sa vie à l'aide du faux Mercure Trismégiste et expose sa théorie des quatre vertus d'après Macrobe ( Commentaire sur le songe de Scipion, I, 7). En somme, il n'a connu aucun ouvrage de Plotin. Porphyre. — Vincent déclare que VIcagoge [in Aristotelem) de Porphyre est indispensable à ceux qui veulent apprendre la logique. (D. III, 6). Il appelle aussi cet ouvrage Liber prœdi- cabilium (N. XXXIII, 66 ; D. IV, 36). Ghrysanthe. — Sous la rubrique Crisantus ad Dariam , Vincent cite une sentence sur Hercule, ce qui vitiorum suorum interfeclione fatigatus etiam se vivum combussit » (H. 159 et D. XVII, 22), sentence hostile aux dieux du paganisme, et très-importante comme expression des idées. Hermès Trismégiste. — Vincent donne Mercure Trismégiste comme auteur de plusieurs ouvrages dont il cite des fragments : 1*» De verbo profecto , qui renferme une définition de Dieu conforme au christianisme : il y est même question du fils unique de Dieu (H. IV, 10). 2° Libri duo de Mathesi, où il cherche à prouver l'influence des constellations sur les destinées humaines : en un mot c'est un traité d'astrologie (H. IV, 10). Cet ouvrage est cité sous le titre de : De constellationibus (chap. 6 et 8) , par Vincent, qui en transcrit deux passages, l'un relatif à Platon, que le destin livra, malgré sa science et sa vertu, aux caprices tyranniques d'un Denys ; l'autre , assez étendu et instructif, concernant le philosophe Plotin, qui périt malheureusement après avoir nié dans son enseignement l'influence de la fatalité. iom lieD 3S IX VINCENT DE BEÂUYAIS. 31 {u'il 3* Ad Asclepium. Dialogue où il disserte de la nature de dne Dieu , de rhomme et du monde , et empreint d'idées sinon chrétiennes, du moins inspirées par le christianisme (H. IV, 10). Autre citation, D. I, 13, D. V, 133. C'est le même traité que le De Verbo. Vincent fait connaître deux traités d'Hermès, VAsclepiiùS fgç et le Mathesis, tandis que l'édition avec la traduction latine I^ donnée par Marsile Ficin (1483 , Venise, in-8% 1491 et 1497 , jg.' in-folio) en renferme deux intitulés : Pœmander, qui roule sur la nature des choses et de la création, et le Dialogue Ad Ascle- qj pium, Hermès a été cité par Justin, Lactance, saint Augustin * . Ce n'est ni THermès Trismégiste égyptien, qui vivait dix-neuf cents ans avant l'ère chrétienne , ni même un écrivain d'une haute antiquité, mais bien un néo-platonicien qui déguisa son nom. Vincent lui-même a été de cet avis et l'a inscrit parmi les philosophes de Técole de Platon. Le passage relatif à Plotin, qui n'a pas encore été relevé, et qui appartient au traité iniiiyûé: Mathesis oxi De Constellationibus, apprend que l'auteur pseudonyme vivait au plus tôt à la fin du m* siècle. Mais il y a une difficulté , c'est que certains ouvrages d'Hermès sont cités par saint Justin , qui a vécu au ii* siècle , et par Lactance , qui aurait été contemporain de l'auteur du Mathesis. Il faut en con- clure que VAsclepius et le Pœmander sont d'un autre auteur que le Mathesis ; mais on doit dans tous deux reconnaître l'école platonicienne combinée avec certaines idées chrétiennes sur la divinité. Quant à la traduction latine dont Vincent fait usage, elle me paraît remonter à l'antiquité. La latinité en est pure et le style n'est pas dépourvu d'élégance. Le Mathesis a été publié par Jérôme Wolf , avec VIsagoge de Porphyre, à Bâle, en 1559. Priscien le philosophe. — Après avoir éniunéré les œuvres grammaticales de Priscien, Vincent ajoute : Extat etiam liber Priscianni de naturalibus quœstionibus ad Chosro'è regem Persarum directus, de qao plura excerpsi et in svferiori hujus operis^ congruis locis, insérai, (H, XXJ, 50.) Il s'agit ici d'un ouvrage inédit, qui depuis longtemps était attribué à Priscien le grammairien, mais que personne n'avait 1 Voyez Cellier, Rist, générale des auteurs sacrés, t. II, p. 525. 32 VINCENT DE BEAUVAIS. VU, quand, il y a vingt ans, M. J. Quicherat découvrit dans le manuscrit n®i314 du fonds de Saint-Germain, à la Bibliothèque nationale, des fragments d'une traduction d'un traité intitulé : Prisciani philosophi solutiones eorum de quibus dubitavit Chosroes Persarum rex * . Cet ouvrage est inédit, mais non inconnu, comme l'a cru M. Quicherat : Vincent en a inséré de très-nombreux fragments dans les Miroirs doctrinal et naturel. Mais d'abord il faut reconnaître, avec M. Quicherat, que le traité en question n'est pas de Priscien le grammairien, mais d'un philosophe, nommé Priscien de Lydie, qui vivait du temps de Justinien, et qui, ainsi que nous l'apprend Agathias, alla chercher en Perse un asile pour se mettre à l'abri des persécutions dirigées contre les philosophes qui n'admettaient pas les dogmes du Christianisme. Ghosroës, qui goûtait fort la philosophie, posa plusieurs questions à son hôte : ce sont ces questions et les réponses de Priscien que nous a conservées le manuscrit du fonds de Saint-Germain, et que Vincent a trans- crites en partie dans son grand ouvrage. Je vais donner la liste des chapitres du traité de Priscien avec l'indication des livres et des chapitres des différents Miroirs où Vincent a copié des fragments de ces chapitres. 1° Sur rame. — Fragment sur l'immortalité de Tâme (N. XXIII, 68). 2<» Sur le sommeil (N. XXVI, 8, 9, 10). ¥ Sur les songes (D. XVII, 177). 4» Sur les saisons (N. XV, 4; fragment). 5» Demedicatione. . . . Rien. 6® Sur le flux de la mer (N. V, 9). 7* Sur les nuages et sur la foudre. Rien. S^ De immutatione forme in transmigrantibus. Rien. 9° Sur le venin des reptiles. Dans le manuscrit de Saint-Ger- main , il n'y a sur cette matière qu'une dizaine de lignes ; le reste manque. Vincent donne des extraits qui peuvent en partie remplir cette lacune (N. XX, 10 et 11). Le manuscrit de Saint-Germain est du ix« siècle ; M. Qui- cherat attribue la traduction de cet opuscule au même siècle et à Jean Scot. Cette opinion est admissible. Ce qui paraît cer- tain, c'est que le traité de Priscien était connu en France à la 1 Bibliothèque de VÈcoU des Chartes» 3 série, t. IV, p. 248 et suiv* VINCENT DE BEAUVAIS. 33 fin du même siècle, car, dans une lettre de Notker (mort en 912) à Salomon, qui fut depuis évoque de Bayeux, lettre où Notker indique à son ami les livres qu'il doit lire pour bien comprendre les saintes Écritures et les Pères de l'Eglise , on lit : Cxterum si et gentilium auctorem nosse desideras^ Priscich nrnn lege. Or, si l'on fait attention aux auteurs dont l'énumé- ration précède le nom de Priscien , on ne peut croire que Notker ait voulu désigner un grammairien. En outre, Priscien est qualifié de païen , gentilium auctorem ; or il est très- probable que Priscien le grammairien était chrétien. On est en droit de conjecturer que Notker a voulu parler de Priscien de Lydie et des réponses à Chosroës, qui nouvellement traduites en latin, jouissaient d'une certaine notoriété auprès des gens instruits *. § 2. Historiens. Histoire d'Alexandre {Fa/uco Callisthène). — L'amour du merveilleux a fait préférer à Vincent, pour rédiger l'histoire d'Alexandre le Grand, à Justin et à Quinte-Gurce l'histoire fabuleuse connue sous le nom de Faux Callisthène, histoire qu'il appelle simplement Historia Alexandri. Vincent (N. IV, 39), parlant d'Épicure, lui donne pour contemporain Anaxi- mène, non pas Anaximène le physicien, disciple d'Anaximan- dre, mais Anaximène l'orateur, qui enseigna Tart oratoire à Alexandre, et qui est regardé par quelques-uns comme l'au- teur de l'histoire anonyme d'Alexandre. Anaximenes orator , qui fuit magister Alexandri magni in arte oratoria : qui a quibusdam creditur historiam Alexandri {que sine nomine fertur) , scripsisse. Ge n'est pas ici le lieu de rechercher quelles sont les origi- nes de cet ouvrage , qui fut d'abord écrit en grec ^ . On pourra consulter la préface mise par le cardinal Maï en tète de son édi- tion de la traduction du Faux Callisthène par Valérius et la publication princeps du texte grec, avec la traduction latine 1 Pez, Thésaurus, et Fabriclus, BibL vnedix et infimx latinitatis, t. V, p. 316. « Voyez Berger de Xivrey, Notice des manuscrits grecs, latins et en vieux français contenant Vhistoire fabuleuse d Alexandre le Grand» dans les Notices et extraits des manuscrits de la BibL royale^ t. Xlll, p. 262 et suiv* •— Voy. aussi le Journal des savants, art. de Letronne, octobre 1818. 3 34 VINCENT DS BEAUYAIS. connue sous le nom de Yalérius, par M. MuUer, à la suite de l'édition d'Arrien (coUect. Didot). Les textes grecs du Faux Callisthène ne sont pas tous iden- tiques : ils diffèrent surtout par des interpolations. Les mêmes dissemblances se reproduisent dans les traductions latines . Il s'agit de savoir quelle est la version dont Vincent s'est servi. Voici la liste des traductions latines de V Histoire (ÏA- lexandre : lo Traduction faussement attribuée par Vossius à Raoul, abbé de Saint- Albans, mort en 1159, puisqu'on en a des manuscrits sinon du x«, du moins du xi« siècle ; souvent réimprimée au xv« siècle , et connue sous le nom de Historia Alexandri de prœhis. 2° Traduction imprimée à Augsbourg,en 1478,d*après un manus- crit de Vienne. 3® Traduction publiée par M. Maï, sous le nom de Julîus Valérius, au moins du ix« siècle, puisque le manuscrit est de cette époque, mais, selon toute vraisemblance, beaucoup plus ancienne. 4" Traduction peu différente de la précédente, la plus complète (Bibl. nat., ms., no« 8518 et 8519). Vincent paraît avoir connu la première de ces traductions qui souvent n'offrent entre elles que de légères différences. Je dis parait y car, avec l'habitude de Vincent d'altérer les textes qu'il transcrit, il est quelquefois diflBcile d'arriver à un degré complet de certitude. C'est la version qui renferme le plus grand nombre de fables, titre considérable pour être préférée au moyen âge. Extraits de l'Histoire d'Alexandre (H. IV, 2, 3, 4, il, 12, 18, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 35, 36, 37, 38, 44, 52, 63, 64, 65). La légende d'Alexandre n'était pas renfermée tout entière dans l'histoire du Faïuv Callisthène^ elle était complétée par plusieurs autres opuscules, également apocryphes , remontant à l'antiquité , et que notre auteur s'est empressé d'admettre dans son recueil. Vincent cite sous le titre de : Epistola Alexandri ad Aristote- km y un ouvrage dont le titre complet est : Epistola Alexandri ad Aristotelem de sitibus et mirabilibus Indie, et qui est encore plus connu sous le nom àHtinéraire d'Alexandre^ ouvrage plein de fables, mais dont on a tiré quelques notions utiles VINCENT DB BBAUVAIS. 35 pour la géographie et qui mériterait d'être soumis à une cri- tique à la fois ingénieuse et patiente * • (ExtraitsIV, 49, 50,53,54). Dans la. même catégorie rentrent : 1® Lettre des Bracmanesà Alexandre (Extraits IV, 66). 2*> Lettre de Didyme à Alexandre (Extraits D. IV, 33, H. IV, 67 à 70). 3<* Lettre d'Alexandre à Didyme (Extraits IV, 67 à 71). Je croirais volontiers que Vincent de Beauvais a connu le manuscrit 6831 de la Bibliothèque nationale, qui est un des rares manuscrits (le seul de cette bibUothèque) renfermant le Fa/uœCallisthène^V Itinéraire, la Lettre desBracmanes, et la cor- respondance entre Alexandre et Didyme, roi des Bracmanes. L'histoire apocryphe d'Alexandre, fort populaire au moyen âge, fut encore plus répandue, grâce à Vincent de Beauvais. A la fin du xv* siècle, parut sans date, à Paris, chez Jehan Bonfond, in-8°, l'Histoire du vaillant roy Alexandre le Grand, d'après Vincent le Jacobin, c'est-à-dire Vincent de Beauvais, qui, dit l'auteur, ce chercha toutes les histoires du monde. i> Cette hste des historiens grecs connus de Vincent est bien misérable : on n'y voit figurer ni Hérodote, ni Thucydide, ni Xénophon, mais en revanche des légendes fabuleuses et des histoires apocryphes, qui ont inspiré notre poésie nationale. S 3. Poëtes. Homère. — On se ferait difficilement une idée exacte de toutes les absurdités qui avaient cours au moyen âge sur la personne et les écrits des grands écrivains de l'antiquité. Vincent recueillit avec empressement une anecdote rapportée par Valère-Maxime, racontant qu'Homère était mort de déses- poir de n'avoir pu résoudre des énigmes que lui avaient pro- posées des pécheurs (H. II, 87). Dans un autre chapitre (H. II, 61), Vincent, après avoir men- tionné la prise de Troie, ajoute, qu'au rapport d'Homère, Ménélas et Hélène abordèrent en Egypte, où ils furent reçus par le roi Thuoris, appelé aussi Polybe. Au moyen âge circulait aussi un abrégé de V Iliade : Epitoue * Cet ouvrage a été publié par Muller à la suite du Faux CaUistkène dans rArrien de la collection gréco-latine de Didot. 36 VINCENT DE BEAUVAIS. luÂDOS HoMERi CARMINE LATiNO REDDiTA , lûis généralement sous le nom de Pindare de Thèbes. Il a été impossible de découvrir jusqu'ici l'origine de cette attribution. Certains avants ont cru que Rufus Avienus était l'auteur de, ce poëme. Mais il est plus probable qu'on doit voir dans cette méchante composition l'œuvre d'un écrivain du xn® siècle. Tel était l'Homère que connaissait Vincent. Hésiode. — Robora quoque viscu/m ac mella ferumt, ut auctor est HesiodusÇ^, XII, 91). On peut affirmer que Vincent n'a connu d'Hésiode ni le texte original , ni même une traduction latine, et que c'est là une citation de seconde main * . Sophocle. — Nous verrons plus loin Vincent confondre l'orateur Gicéron avec son frère, et en faire un général ; par contre , il a fait deux personnages de Sophocle, un poète et un chef des Athéniens. Les œuvres du poète lui sont entièrement inconnues (H. II, 40 et 42). Ménandre. — Vincent cite Ménandre d'après saint Paul, qui, au dire de saint Jérôme, avait emprunté à ce poète comique la maxime : Corrumpv/nt bonos mores confabulationes pessimœ (D. IV, 171). Les notions sur Ménandre sont complétées à l'aide d'Eusèbe et d'Aulu-Gelle (H. XVII, 4). Darès le Phrygien. — Vincent emprunte à un fragment d'Hélinand qu'il nous a conservé, l'histoire de la guerre de Troie. HéUnand déclare avoir tiré la substance de ce récit de l'histoire de Darès, que Cornélius Népos trouva dans Athènes , écrite de la main de Darès, qu'il traduisit en latin, et qu'il envoya à son ami Crispe Salluste. Nous ne nous étendrons pas sur cette misérable et apocryphe histoire, qui a été sainement appréciée ^. Vincent en a inséré, d'après Hélinand, non pas des extraits, mais une courte analyse dans les cha- pitres 60, 62 et 63 du livre II du Spéculum naturale. Ésope. — L'amour de la fable et l'absence de critique écla- tent dans les quelques lignes que Vincent a consacrées au fabuhste Ésope. Il rapporte, d'après Eusèbe, que la première 1 Voy. Otto, Comment, in codic. Biblioth, Àcad, Gissensis, p. 81 ;—Rheinische Muséum, an. 1842, p. 137. Voyez Ghassang, Histoire du roman dans l^antiquitét p. 358 et suivantes. VINCENT DE BEAUVAIS. 37 année du règne de Gyrus, Ésope fut tué à Delphes. Dans l'exemplaire des fables d'Ésope qu'il avait sous les yeux, se lisait un prologue où il était dit que ces fables avaient été tra- duites du grec en latin par un certain Romulus qui les envoya d'Athènes à son fils Tibérinus, avec une épître que Vincent transcrit, et où Futilité des fables est mise dans tout son jour. Ce prologue démontre combien est peu fondée l'opinion de ceux qui ont attribué la traduction ou plutôt la rédaction latine de fables ésopiques à Romulus-Auguste, qui fut le dernier empereur d'Occident. Vincent a inséré un certain nombre de fables, attribuées avec plus ou moins de fondement à Romulus, et dans le livre III du Spéculum historiale et dans le livre III du Spéculum doctri- nale^ le Spéculum doctrinale se bornant à reproduire les extraits donnés dans le Spéculum historiale. Voici la liste de ces fables, en rapprochant, autant que faire se peut, les titres de ceux que portent les imitations de notre La Fontaine : 1. Le Loup et T Agneau (H. III, 2). 2. La Grenouille qui veut faire périr le rat (idem). 3. Le Chien qui lâche sa proie pour Tombre (idem). 4. Le Lion en société avec la Génisse, la Chèvre et la Brebis (idem). 5. Le Loup et la €igogne (idem). 6. Le Renard et le Corbeau {III, 3). 7. Le Lion devenu vieux (idem). 8. L'Ane et le petit Chien (idem). 9. Le Lion et le Rat (idem.). 10. Le Chien et le Voleur (III, 4). 11. La Montagne en mal d'enfant (idem). 12. Le Lièvre et les'Grenouilles [idem). 13. Le Geai paré des plumes du Paon (idem). 14. Le Cerf se voyant dans Peau (idem). 15. La Fourmi et la Mouche (idem). 16. La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf (III, 5). 17. Le Cheval et TAne (trfem). 18. La Chauve-Souris (idem). 19. Le Milan et le Rossignol (tf. III, 6). | 20. L'Homme, l'Arbre et la Hache (idem). \ 21. Le Chien et le Loup (idem). 22. Les Membres et l'Estomac (H. III, 7). ; 23. Le Singe et le Renard (idem). \ 24. L'Ane et le Marchand (idem). 25. Le Renard et les Raisins (idem). 26. L'Homme vrai et l'Homme trompeur (idem). 38 VINCENT DE BEÂUVÂIS. 27. L'Ane et le Lion (H. IH, 8). 28. Le Lion malade (idem). 29. La Cigale et la Fourmi [idem). Vincent a transcrit, souvent en les abrégeant, vingt-neuf fa- bles de Romulus sur quatre-vingts dont se compose son recueil. M. Daunou * a cru, par suite de la ressemblance qu'offraient plusieurs de ces apologues avec ceux de Phèdre, que Vincent avait connu ce dernier auteur; il n'en n'est rien. La ressem- blance s'explique par ce fait que Romulus , ou l'auteur caché sous ce nom, a imité Phèdre; mais on peut affirmer que Vin- cent ne connaissait pas les fables qui nous sont parvenues sous le nom de ce fabuliste. S'il m'était permis d'émettre une opi- nion sur ce sujet, je serais porté à croire que Romulus est un faux nom, que la traduction du grec en latin est controuvée, et que les fables du prétendu Romulus sont l'œuvre d'un rhé- teur des bas siècles. L'imitation de Phèdre prouve surabon- damment que ce n'est pas une traduction du grec, car cette imi- tation va jusqu'à s'approprier textuellement des^ vers entiers du fabuliste latin. Vincent termine ses extraits d'Ésope par une remarque curieuse pour l'histoire de l'apologue, et qu'il est bon de relever. C'était, dit-il, de son temps, la mode de réci- ter des fables dans les sermons, dans le double but de prévenir l'ennui des auditeurs, que de pareils récits enchantaient, et de faire ressortir la morale qu'elles renfermaient. Vincent est d'avis qu'on ne doit recourir à ces fictions qu'avec prudence et rarement, de crainte d'exciter le rire par de pareilles futi- lités, au lieu de provoquer, par de graves paroles, à la péni- tence. § 4. Médecine. HippoGRATE. — Le père de la médecine était connu de Vin- cent. Il cite , bien entendu d'après des traductions latines : De regimine acutorum. N. V, 76. Isagoge (D. XIII, 3). Aphorismorum lib, ii. (N. XXXI, 112, etc.). Galien composa, suivant Vincent (H. X, 92) : Librum de Alchimia, cujus titulus est de Ramo Pomi congelati (apo- cryphe). 1 Hist. lUtiraire de la France^ t. XYUL VINCENT DE BBAUVAIS. 39 De Complexionibus. De Elementis. De Malitia œmplexionis mentis. De Yirtutibm naturalibus. De Compendiositate pulsumn et eorum differentiis. Librvm comm^ntariory/m super librum suum de Pulsibus^ his qui introducuntur, Libnmt de Anatomia. De Juvamento membrorum. De Morbo et causa accidente. De Crisi. De Criticis diebus. Libros diademiarunij majorem et minorem. De Simplid medicina. De Perfectis medicinis. De Proprietate. De Experimentis passionum. Librum tegni, mierotegni. De Regimine sanitatis. Passionarium. Antidotarium. Librum secretorvm su4)rum ad Monteum. Ad Glaveonem de pulsibus et urinis librum qui dicitur Achinagoga. Librvm epistolarum ad eumdem de febribus et de apostematibus. Librwm epistolarum ad Paternianum. Constantin. — Liber graduvm (N. V, 84). Pantegni (N. IV, 38). De Cottu (D. XIII, 94). De Oblivione (N. XXVII, 17). EscuLAPB. — Liber Empyrices (N. XVI, 21, 31; XVIII, 30, 56, etc.). S 5. Astronomes, Géographes, Mathématiciens. Ptolemée, Ératosthêne. — Vincent confond le géographe Ptolémée avec le roi d'Egypte Ptolemée Philadelphe : il attri- bue à ce dernier Canones astrorum et libros multos. Il raconte, avec plus de vérité, comment, à la même époque, Eratosthêne mesura le méridien : il explique en détail les procédés suivis pour arriver à ce résultat; mais ce n'est pas dans les œuvres d'Eratosthène qu'il a pu préciser ces notions, puisqu'elles ne sont point parvenues jusqu'à nous, sauf quelques fragments, et une description des Astérismes publiée par Pétau dans son Urmtologia (H. V, 19). Quant au géographe Ptolémée, Vincent en connaissait au 40 VINCENT DE BEAUVAIS. moins un ouvrage, YAlmageste, dont il cite un fragment (N. XXIII, 67). EucLroE n'était pas inconnu de Vincent. LITTÉRATURE LATINE PROFANE. § l®^ Philosophes. GicÉRON. — On avait, au moyen âge, des idées tellement vagues sur l'antiquité , qu'on ne savait pas distinguer les hommes les plus célèbres de personnages portant le même nom, bien qu'on eût tous les éléments nécessaires pour établir ces distinctions. Nous signalerons de nombreux exemples de confusions de ce genre; c'est ainsi que Vincent confond Marcus TuUius Gicéron avec son frère Quintus : il fait de l'orateur un guerrier, un lieutenant de Gésar, invoquant à l'appui de son dire l'autorité de Jules Gésar dans ses Commentaires (sous le faux nom de Julius Gelsus), et de Thistorien Orose (H. VI, 6). Voici la liste qu'il donne des ouvrages de Gicéron qu'il con- naissait, liste étendue, quoiqu'il y ait des lacunes importantes; on n'y voit figurer ni les Épitres^ ni le de Oratore, ni le BrutuSy ni la Rhétorique à Herennius, ni les Topiques^ ni le de Optimo génère oratoricm ; mais il y a en revanche des ouvrages apo- cryphes (H. VI, 6). De Officiis lib. m. DeAmicitiaWh. i. De Senectute lib. i. De Oratore lib. i (G'est le traité intitulé Oraior), De Paradoxis lib. i. Rhetoricarum lib. ii. Tusculanarum questionum lib. v. Orationum lib. xii. Invectivarum lib. vi. De Legibus lib. m. De Fine boni et mali lib. v (DeFinibus bonorum et malorum). De Natura Deorrnn lib. m. De Divinatione lib. ii. De Fato librum lib. i. VINCENT DE BEÂUVAIS. 41 De Creatione mundi lib. i (Apocryphe). JHalogomm ad Hortensium lib. i. De Partitione orationis lib. i (De Partitione oratorio). De Academicis lib. i (Academicorum lib. ii). Dans cette liste ne figurent pas certains ouvrages qui sont cités par Vincent. 1® De Conciliis. C'est une inadvertance de copiste; lisez : De Officiis. 2® De Republica. On a dit que Vin- cent ainsi que d'autres auteurs du moyen âge avaient connu ce fameux traité, dont la découverte est une des gloires du xix^ siècle ; il n'en n'est rien, du moins pour ce qui regarde Vincent. Il n'a cité que deux passages (H. III, 92; IV, 41) qui font partie des fragments conser\^és de toute ancienneté. On trouve souvent au moyen âge le De Republica cité ; il figure même dans des catalogues de bibliothèques des xii"et xm'siè- cles, et cependant on ne possédait pas alors ce traité complet. On donnait le nom de de Republica au songe de Scipion, qui lî'en n'est qu'une partie. On connaissait aussi des fragments conservés par saint Augustin, Lactance, etc * . N'oublions pas de relever aussi parmi les ouvrages de Gicé- ron que cite Vincent, Philippice (H. VI, 20), etc. Parmi les discours, figurent les CaHlinaires{È. VI, 31), Cumgratias egit populo (idem)^ De Provincus consularïbus [idem)^ De Respon- sione aru^piciUE. VI, 32), InAntonium (idem), Pridie quam iret in exilium [idem), Pro Cœlio (H. VI, 30), Pro Cornelio Balbo (H. VI, 32), Pro domo sua {idem) (H. VI, 30), Pro Ligario (idem), Pro Marcello [idem). Quant aux Invectives, c'est un ouvrage apocryphe, renfer- mant des discours de Salluste contre Gicéron, avec la réponse de Gicéron. Il faut y voir des exercices de rhéteur qui remon- tent à l'antiquité. Du fameux traité Ad Hortensium y Vincent ne connaissait que des fragments conservés par saint Augustin ^. Sénèqub. — Vincent ne pouvait manquer d'adopter l'opi- nion que Sénèque avait eu des rapports avec l'apôtre saint Paul pendant la captivité de celui-ci à Rome (H. IX, 9). Il donne de très-nombreux extraits de Sénèque, qui était fort goûté au ^ La seule citation textuelle faite par Vincent (H. IV , 41) est tirée de saint Augustin, Cité de Dieu, H. 10. * Sur les fragments du Traité ad Hortensium connus au moyen ftge, voyez Rheinische Muséum fUr Philologie^ année 1842, p. 127. 42 VmCÉNT DS BEàUVAIS. moyen &ge. Il a fait un môme personnage du poète, du rhéteur et du philosophe. Voici, d'après Vincent, la liste des ouvrages de Sénèque, liste bien incomplète : Ad Ebutium Libéraient de benefidis. Ad Neronem de clementia lib. vu. De Quatuor mrtutibus (Apocryphe). Librum demorUms (Apocryphe). Librum de remediis fortuUorum (Apocryphe). De Immatura morte (Apocryphe). De Naturalibv^ quxstionibm. lÀbros quoque declamationum Y. De Sententiis diversorumoratorum lib. i. Ludum de morte Claudii metricum. Tragedias quoque decem. Epistolas ad Lucilium Balbum, Et adPaulum apostolum nonnullas (Apocryphe). ApuLÉEi. — Vincent n'en connaissait que deux ouvrages : Hu^us reperi duos libros : lo De VUa et mxniJbus Platonis ; 2« De Deo Socratis (H. IV, 7). Ghalodius. — Nous avons parlé de Ghalcidius à Tarlicle Platon. U traduisit le Timée et Tenrichit d'un commentaire. Macrobé. — De Macrohe^ deux ouvrages cités : lo Saturnales (H. HI, 68; V, 7; VI, 60). 2* Commentaire sur le songe de Scipion (H. in, 78-80; IV, 9). BoiÊGE. — Je ne crains pas de ranger parmi les classiques BoëcOt qui a été longtemps regardé comme chrétien, mais dont le christianisme est fort problématique. En tout cas, cet auteur a droit à la place que je lui assigne , car c'est lui qui, dans ses ouvrages, a transmis au moyen &ge les doctrines et les méthodes de l'antiquité. Son influence a été considérable. Il composa, suivant Vincent (H. XX, 15) : De Sancta Trinitate lib. i. De Consolatione Philosophie, De Disciplina scholarvm. Librum de Musica. De Logica, libros Topicorum et Divisionum. lÀbros etiam Categoricorvm syllogism.orum Et Hypotheticorwn. VINQBNT DE BSAUVAIS. 48 Commenta super Aristotclis libros, Etaliaplv/ra, Il faut joindre à cette liste : De Arithmetiea (D. XVI, 2). S 2. Historiens. Jules César. — YlDcent a ignoré que Jules César ait été historien, et cependant il avait entre les mains le livre de la Guerre des Gaules. Il attribue cet ouvrage à Julius Celsus^ suivant en cela une erreur générale au moyen âge, qui prit le nom d'un réviseur de manuscrit pour celui de l'auteur du livre (H. VI, 2). Comme toujours, les citations ne reproduisent pas fidèle- ment le texte. Vincent cite cinq livres de la Guerre des Gaules ; il ne parle pas de l'histoire de la guerre civile. Hoc bellvm Cxsaris gallicum Julius Celsus diligenter scripsit ith libris Y. En effet, Vincent ne donne des extraits que des cinq premiers livres. Je vais donner un spécimen des altérations que Vincent fait subir aux textes qu'il cite ; on verra que son procédé consiste à supprimer ce qu'il ne comprend pas, à resserrer les phrases qui lui paraissent longues, enfin à introduire des modifications qui n'ont d'autre cause que le peu de soin que lui ou ses copistes apportaient à transcrire exactement les textes. César. V, 3. Omnes vero se Britanni vitro inficiunt, quod cxruleum efficit colorem. . . Specul. Hist. l, 91. Se ultro inficiunt cseruleo colore. Dans un autre passage, relatif à la communauté des femmes, le^p^ct^/i^m porte : hi quisunt exhisnati, eoru/m hahentur liberi ad quos prirmmb virgo quasque deducta est, et le texte : a qui- bus primum virgines qumqvs ducta^ sunt. Salluste. — Vincent savait que SaUuste était contem- porain de Cicéron , notion exacte s'appuyant sur un fait faux, savoir que Salluste avait composé un discours contre Cicéron, discours auquel celui-ci aurait répondu par l'invective égale- ment apocryphe dont nous avons parlé à l'article du grand orateur romain. Vincent a connu le Jugwtha et la Conspiration de Catilina : il en donne des extraits, non pas sous le rapport de l'histoire, mais au point de vue moral (H. IV, 32, 33, 34). Justin. — Appelé quelquefois par Vincent Trogue-Pompée; 44 VINCENT DE BEAUVAIS. mais Vincent n'a connu que l'abrégé que nous possédons. Il en a fait un très-grand usage, et il a eu raison; mais il ne s'est pas départi à l'égard de cet historien de son système ordinaire de citations inexactes, quant à la reproduction du texte. A propos de Justin, Vincent pose une question qui prouve jusqu'à quel point on manquait d'esprit critique au xm« siècle. Il avait lu que, du temps d'Antonin le Pieux , un philosophe chrétien, nommé Justin, avait fait l'apologie de la rehgion chrétienne (saint Jérôme : de Illustribus viriâ). D'un autre côté, Vincent connaissait l'abrégé de Trogue-Pompée par Justin. Il se demande si le Justin chrétien et Justin l'historien sont une même personne, et il reste dans le doute : Cœierum utrum hic sit ille Justinus martyr, anforsitan alius ? ignoro (H.X, 94) (très-nombreuses citations). QuiNTE-GuRCE. — Vincent cite Quinte -Gurce, sans rien dire de son livre : je me suis convaincu qu'il le citait sans l'avoir lu, sans l'avoir fait lire par d'autres à son intention. Deux citations renvoient à la fois à Justin et à Quinte-Gurce, et ne s'appliquent pas à ce dernier (H. IV, 5 et 23). Les autres ont trait à des paroles mémorables prononcées par Alexandre, ou bien en sa présence. Il est évident que Vincent a puisé ses citations de Quinte-Gurce dans un recueil de Flores, comme il y en avait tant. On ne peut expUquer autrement le peu d'usage qu'il a fait d'un historien aussi intéressant, tandis qu'il a copié en grande partie le Faux Callisthène. La citation du chapitre 64 du livre IV, relative à la mort d'Alexandre et indiquée comme empruntée à Quinte-Gurce, ne lui appartient pas, mais bien à Justin tronqué et arrangé. Suétone. — Vies des douze Césars : nombreux extraits. Vincent cite le Catalogue des hommes illustres : il en rapporte un fragment relatif à Pline l'ancien (H. X, 67). Le Catalogua de Suétone est actuellement perdu ; mais le fragment cité par Vincent nous est parvenu. VAiiaiE-MAxiME. — Nombreux extraits des Dicta et Facta memorablia de Valère-Maxime, qui avaient le double avantage d'instruire et de former le cœur par des exemples bien choisis. Il est inutile d'énumérer tous les extraits. VINCENT DE BEÂUVÂIS. 45 S 3. Poètes. M. P. Gaton. — « Caton a écrit un livre sur les mœurs, partie en prose, partie en vers , qu'on met dans les écoles entre les mains des enfants, et qui, bien que déprécié par suite d'un trop grand usage, contient beaucoup de belles et excellentes maximes » (H. V, 107). Les extraits (H. V, 108, 109, 110), renfermant cent trente-cinq vers hexamètres, appartiennent aux distiques moraux connus sous le nom de Gaton, souvent publiés et attribués à Dionysius Gaton. Plaute. — Vincent déclare ne donner d'extraits que d'une seule comédie deVlmte,Aulularia{E.\, 55,etN. XXXI, 108). Est-ce volontairement et par suite d'un parti pris î il est à croire que, s'il n'en cite qu'une, c'est qu'il n'en connaissait qu'une, car les autres pièces de Plaute lui auraient fourni, tout aussi bien que VAululana^ ce qu'il cherchait, c'est-à-dire des maximes morales. Térence. — Si Vincent est bref sur le compte de Plaute, il est plus explicite sur Térence. Il trace même en quelques lignes une histoire de la comédie. Après avoir raconté l'origine du théâtre et cité à l'appui VArt poétique d'Horace, il divise la comédie en trois genres : Togata^ Prœtextata, Palliata. Trois personnes étaient nécessaires pour une comédie : le correc- teur, le défenseur, le récitateur. Térence eut le bonheur d'en avoir trois qui excellaient : Tite-Live, l'écrivain [scriptorem) dé tragédies , pour correcteur; Domitius pour défenseur, Galliopius pour récitateur, Gesontlàde singulières idées, extraites de gloses sur Térence. On lit en effet dans un manuscrit (numéro 420 de la biblio- thèque de Valenciennes) : Recitator vero istarum fabularum non ipse Terentius extitit, sed Calliopius quidam, clarissimus vir ac sapientissimus , cujus ope et sustentatione ac etiam familiaritate ipse utébatur : quo tali viro recitante, majorera ejus fabule captarent favorem * . Des miniatures d'un manuscrit de la Bibliothèque nationale montrent Galliopius sur le théâtre, lisant les tragédies de Térence. ^ Voyez le Catalogue des manuscrits de VakncienneSf par Mangeart. 4% VINGBNT DS BSAUVÂIS. Ce Galliopius n'était autre qu'un réviseur des œuvres du poète ^ ainsi que rapprennent plusieurs manuscrits où, à la fin de chaque comédie, on lit cette note : Ego Calliopius recensui. On ignore Tépbque de cette recension. TiBULLE. — Citations D. IV, 28, 44, 58, etc. Peut-être Vin- cent ne Ta-t-il connu que par les Flores : en tout cas il n'en parle pas dans le Miroir historial. ViRoniE. — Vincent emprunte à Hélinand, qui emprunte lui-môme au faux Donat, sans la citer, une histoire de Virgile entièrement fabuleuse. Le chantre d'Énée y est représenté comme un magicien. Il avait placé au-dessus d'une des portes de Naples une mouche de bronze qui écartait les mouches de la ville ; il avait fait un clocher qui suivait les oscillations de la cloche, ce que Hélinand trouve peu vraisemblable, attendu que les païens ne paraissent pas avoir connu l'usage des cloches. Il construisit des Thermes dont on racontait des choses incroyables ; enfin il ne pleuvait jamais dans son jardin (Hélinand, inédit, livre XXIX) (H. VI, 61). Vincent commente ensuite (H. VI, 62) l'épitaphe de Virgile : Cedni pascua, rura^ duces, pour conclure qu'il n'a écrit que trois poèmes, les Bucoliques^ les Géorgiques et V Enéide, et faire remarquer que les poèmes Culex etEtna^ dont les Orléanais (sans doute l'école d'Orléans) faisaient parade {quos Aurelicmenses ad ostentationem et jac- tantiam circumferunt) sont des ouvrages apocryphes. Suivent quelques sentences tirées des Bucoliques, des Géor- giques et des six premiers livres de V Enéide (H. VI, 63). Nom- breuses citations dans le Spéculum doctrinale (H. IV, 59, 109, etc.). Horace. — Horace, prince des poètes satiriques et lyriques latins, au dire de Vincent, composa (H. VI, 67) : Sermonum libres (Extraits, VI, 69). Epistolarum (Extr. IV, 68 ; ~ IV, D. 70 ; V. D. 68). Carminym (Extr. VI, 70). Odarum (Extr. VI, 70). Et Poetriarum (Extr. VI, 67; V, D. 102), Dans l'énumération qui précède, Vincent distingue les Car- mina et les Ode^ à moins qu'il ne faille lire Carminum odarum VINCENT DE BEAUVAIS. 47 sans virgule après Carmimmi ; de toute façon^ il est évident que Vincent a voulu désigner par ces deux mots une seule et même chose, ainsi que Tatteste la rubrique du chapitre 70, In libro Carminum odarvan^ lequel chapitre est composé d'extraits des Odes. Nulle citation des Épodes, ni du Carmen saeculare : il ne faut pas en conclure que Vincent ne les a pas connus, mais que ces morceaux ne lui oJEfraient pas, ce qu'il cherchait, des maximes morales, ou plutôt que le florilège qu'il copia n'en renfermait pas d'extraits. Pour apprécier Horace, il cite saint Jérôme (H. VI, 67). Ovide. — Ovide était le poëte favori du moyen âge, ajou- tons et de Vincent, qui donne la Uste suivante des ouvrages vrais ou supposés de cet aimable poëte (H. VI, 108) : De nuce Ubellus I (Extrait H. VI, 106). Invectio in Ibim (Extrait H. VI, 170). Epistolarum lib. I (Extrait H. VI, 107). Sine titulo lib. ÏII (Extrait VI, 108 à 110. D. 173). DeArte Amandi lib. UI (Extrait H. VI, 111 à 118). Métamorphoses lib. XV (Extrait VI, 116, 117). De Fastis lib. VI (V: 76. Extrait H. VI, 118). De Tnstibus lib. V (Extrait VI, 119, 120). De Ponto lib. IV (Extrait VI, 121, 122). Le livre Sine titulo de Vincent n'est autre que les Amores. Dans sa nomenclature Vincent a oublié le De remedio amoris^ qu'il cite et dont il transcrit des fragments (H. VI, 114, 115 et D. IV, 28). ^ Perse. — Auteur d'un Liber metricVfS dont quelques extraits (H. VIII, 137; D.IV, 34). Perse, dit Vincent, Juvénal, Lucain , Ovide furent contem- porains. LuGAiN. — Oncle de Sénéque {sic) (H. VI, 137). (Extraits H. III, 11, 10,^19, 69). A propos du Gange, Vincent cite ce vers : Ostia nascenti solvit contraria Phœbo, qu'il comprend : Solvs fluviorum contra solis ortwm ùurrit; interprétation qui lui fait peu d'honneur. S^TÈQUE. — Vincent fait, ainsi que nous l'avons vu, un seul personnage du philosophe, du rhéteur et du tragique. Il lui attribue dix tragédies (H. VIU, 102). 48 VINCENT DE BEAU VAIS. Medée (Extraits H. VIU, 114 ; D. V, 29). Hippolyte (Extraits H. VII, 114 ; D. IV, 27). Les Troyennes (Extraits H. VIII, 113 ; D. IV, 28). Agamemnon (Extraits Vni, 114 ; D. IV, 28). Œdipe (Extraits H. VIII, 114; D. IV, 28). Thyeste (Extrait D. IV, 14). Hercule furieux (Extrait H. VIII, 115). Hercule sur le mont Œta (Extrait H. VIII, 113). La Thébaide (Extraits H. VIII, 114 ; D. IV, 28). Octavie (H. VIII, 113). C'est-à-dire que Vincent a connu toutes les tragédies qui portent, à tort ou à raison, le nom de Sénèque. La critique moderne est revenue à l'opinion ancienne et attribue toutes ces pièces, sauf la dernière, au philosophe. Pétrone. — De Petronio Bononiensi, etscriptis ejus. Tel est le titre du chapitre 25 du livre XX du Miroir historial consacré à la biographie de saint Pétrone, évêque de Bologne, auteur d'une vie des solitaires d'Egypte, et qui mourut sous le règne de Théodose et de Valentinien (Gennadius). Jusqu'ici tout est très-bien; mais Vincent ajoute : De quodam libro Petronii^ partim metrico, partira prosaico, pduca haec moralia qux sequuntur excerpta notavi. Suivent des extraits en prose et en vers du Satyricon. On trouve aussi des citations de cet ouvrage (D. IV, 64, 147, 148 ; N. XXXI, 106). Vincent avait-il lu le Satyricon? S'il l'a lu, l'attribution de cette œuvre licencieuse à un évêque fait peu d'honneur à son jugement ; ou peut-être a-t-il suivi à cet égard un système que j'ai constaté avoir été adopté par lui, et qui consiste à garder un silence absolu sur tous les faits con- traires à la pudeur et à ériger l'histoire en une sorte de morale en action ? Pour ce qui regarde Pétrone, je crois volontiers que Vincent ne Ta pas lu : on pourrait même tirer cette conclusion des termes qu'il emploie : pauca hseo moralia, qux sequuntur excerpta notavi. Quoi qu'il en soit, il est piquant de voir le Satyricon mis à contribution pour former les mœurs. Il y a même des maximes que le bon Vincent a mis trop de con- fiance à accepter, par exemple : NU erimus cuncti, postquam nos auferet Orcus, Ergo vivamuSt dum licet esse bene. Il n'a pas vu dans ces vers l'affirmation énergique du maté- rialisme et les conséquences funestes qu'on en tirait. VINCENT DE BEAXrVAIS. 49 Stage. — Eusèbe mentionne dans sa Chronique Tauleur comique Gœcilius'Statius, contemporain d'Ennius. Vincent ne manque pas une si belle occasion et confond cet ancien poëte avec Publius Papinius Statius, qui vivait cinq siècles après. De ce dernier il n'a connu que deux poèmes (H. V, 61) : 1« L'Achilléide (Extraits. H. V, 61). 2» La Thébaïde (Extr. H. V, 61 ; D. IV, 59). Nulle citation des Sylves. Martial. — Les Miroirs naturel et doctrinal renferment un très-grand nombre de citations de Martial (notamment N. XXXI 104, 110; D. IV, 52), que Vincent appelle Martialis Goquus. On a cherché à expliquer le surnom de Goquus par des fautes de copiste ; s'il y a faute , elle est bien ancienne , car tout le moyen âge le désigna souvent par ce simple surnom : exemple, Jean de Salisbury. Ne faisons pas de ce Goquus, comme un des anciens rédacteurs de YHistoire littéraire de la France, un poëte inconnu (Article de Jean de Salisbury). Rien sur Martial dans le Spéculum historiale, JuvENAL. — Vincent connut assez bien le temps où vivait Juvénal (VIII, 321), puisqu'il le fait contemporain de Perse. Selon sa coutume, notre auteur donne des Fleurs de Juvénal dont il cite cinq livres. (Extraits H. VIII, 137; XXVII, 128. N. XXXI, 115.) Galpurnius appelé par Vincent Scalpurnus. Bucoliques citées (N. XXI, 115): MobUior ventis 6 femina I Macer. — On a reconnu que les fragments du poëme De Virtutibus herbarum que nous possédons sous le nom de Macer, ne peuvent être attribués à ^Emilius Macer de Vérone , mort l'an 17 avant Jésus-Ghrist, auteur de VOmithologia et de la 2%maca, poëmes aujourd'hui perdus. L'auteur de De Virtutibus herbarum était médecin et son poëme est purement médical. Il est évidemment postérieur à GaUen. (Extraits N. IX, 39, 102, 104; D. VII, 107.) Claudien. — Hujus duo volumina metrice comporta inve- niuntur, unum majus, unum minus (H. XVII, 59). Nombreuses citations dans le Spéculum doctrinale. Je me suis assuré que la division en deux volumes indiquée par 4 50 VINCENT DE BEAUVAIS. Vincent était purement fortuite et qu'elle ne répondait pas à une classification méthodique des poëmes de Claudien. S 4. Epistolaires. Pline le Jeune. — Il y a deux Pline : on peut être certain d'avance que Vincent les a confondus en un seul personnage. C'est ce qui a eu lieu (H. x, 67). a On a, dit-il, plusieurs ouvrages dus à son génie. Il écrivit une Histoire naturelle en trente-sept livres qu'il dédia à Vespasien. J'ai inséré des frag- ments de cette œuvre immense dans le Spéculum naturale : j'ai trouvé du même , environ cent lettres adressées à diffé- rentes personnes. » (Nombreuses citations H. X, 67 ; D. IV, 13.) Nulle mention du Panégyrique de Trajan. Symmaque. — Vincent connaissait le recueil des lettres de Symmaque, qu'il intitule : Symmachi liber epistolaris. (Extraits H. III, 33; XXXI, 13 ; D. IV, 76.) § 5. Grammaire j Rhétorique. Varron. — Vincent ne paraît avoir connu , sauf les Sen- tences , aucun ouvrage de Varron, bien qu'il en cite plusieurs qui ne nous sont point parvenus. Herum divinarum in libro IV (H. II, 59). De cultu Deorum (H. II, 104). Il cite des vers sur le Calamus (Canne à sucre) : Indica non magnam concrescit in arborera arundo lUius et lentis premitur radicibus humor Dulcia cui nequeant succo commedere mella (^. IX, 46). Sententie (D. IV, 119, 120 et VI, 59). NuUe citation du De Lingua latina ni du De Re rustica. — Vincent a ignoré aussi l'existence du Catalogue des ouvrages de Varron, dressé par saint Jérôme, qui a été retrouvé récem- ment mais dont plusieurs manuscrits existaient au xiii® siècle dans l'abbaye de Saint- Amand * . Quant aux Sententie elles ont été aussi publiées récemment par M. Chappuis d'après deux Mss. de la Bibliothèque natio- ^ Ce calalogue a été publié par sir Thomas Philipps , par M. Bistschl ( Rheinische Muséum, 1848, et par le cardinal Pitra, Spicilegium Solemmense i.îll p. 311.213 et suiv. VINCENT DE BEAUVAIS. 51 nale * . Vincent intitule ces sentences : Sententie Varronis ad Atheniensem auditorem[E. VI, 58). Toutes les notions de Vin- cent sur Varron sont puisées dans saint Augustin (Ci/^ de Dieu, VI, 2, 3, 4; IV, 31; VII,6). — (5/?eci^/. Hist. VI, 57, 58); et de ses ouvrages il ne mentionne de son chef dans cette biographie que les Sentences. Sénèque le Rhéteur. — Nous avons vu que Vincent avait attribué à Sénèque le Philosophe les déclamations qui sont l'œuvre de son père. Il nous reste à indiquer les endroits du Spéculum qui renferment des extraits de cet ouvrage, dont Vincent ne connaissait, ainsi que nous, que cinq livres : (H. VIII, 112; D. IV, 29; N. 31, 109). Quintilien. — Une vieille tradition, inexacte, raconte que le Pogge trouva en 1415, dans le monastère de Saint-Gall, les Institutions oratoires de QuintiUen. Cette légende , bien qu'elle ait été démentie (Daunou, Journal des Savants^ 1819, p. 167), est tous les jours reproduite. Il suflBt, pour la réfuter, d'ouvrir Vincent de Beauvais, qui donne des notions fort exactes sur la personne de Quintilien et insère, livre par livre, des extraits de ses Institutions (H. IX, 121). (Extraits des Ins- titutions oratoires H. IX, 121, 122, 123 — 8 livres cités). Il cite en outre les Cauuses ou déclamations, ouvrage reconnu n'être pas de Quintilien. Extraits des Causes (au nombre de dix-huit) — (H. IX, 124, 125 D. IV, 67). Aulu-Gelle. — Vincent a emprunté à Aulu-Gelle un certain nombre d'anecdotes. Il a fait une grande quantité d'extraits des Nuits attiques. Ces extraits se rapportent tous à ce qui nous est parvenu des Nuits attiques ; il n'y a aucun fragment inédit. Les deux auteurs qui suivent ne furent point païens suivant toute probabilité ; mais, à cause de la nature de leurs ouvrages, nous n'avons pas cru devoir les placer parmi les auteurs ecclé- siastiques. DoNAT. — Après avoir rapporté un passage de la chronique de saint Jérôme sur Donat le grammairien, Vincent ajoute : Hic est,DonatuSy cujus libellus usque hodie in scholis legitv/r a pusris prima grammatice rudimenta discentibus (H. XIV, 13). ^ Sentences de M. T. Varron, Paris, 1856. 52 VINCENT DE BEAUVAIS. Priscien. — Nous avons vu que Vincent avait confondu Priscien le grammairien avôc un autre Priscien philosophe païen contemporain. Du grammairien il dit : Prisdani libri ubique patent ; il énu- mère les ouvrages suivants : Majus volv/men departibus Orationis. Volv/men minus de œnstructione. Aliud minimum de accentibus. Vincent montre quelque critique à propos de Priscien , que certains auteurs prétendaient avoir été contemporain de Julien l'Apostat : il fait observer que le grand ouvrage de Priscien est dédié non pas à Tempereur , mais au consul et patrice JuUen (H. XXI, 50). § 6. Jurisprudence. Gode. — Code Théodosien (H. XX, 34). Vincent rapporte, d'après Prosper d'Aquitaine, que Théodose II fit rédiger un recueil complet des lois : il ajoute que ce recueil s'appelle Code^ et que, quand on dit a le Gode, » on désigne le recueil des Gonstitutions impériales. Le Gode est composé, poursuit-il, des lois renfermées dans les trois Godes Hermogénien, Théo- dosien et Grégorien. En quoi il se trompe, car il confond le Gode Théodosien, qu'il ne connaissait pas, avec le Gode de Jus- tinien, auquel s applique sa description. Voyez des citations du Gode de Justinien, etc. (D. VII, 140.) 5 7. Sciences naturelles. Pline l'Ancien. — Le lecteur se rappelle que Vincent n'a pas su distinguer Pline TAncien de Pline le Jeune : il a pour- tant fait de très-nombreux emprunts à V Histoire naturelle de Pline, tant dans le Spéculum historiale que et surtout dans le Speculu/m naturale. Je me suis assuré que Vincent ne connaissait que les livres qui nous sont parvenus. Il lui attribue aussi un traité de Sper- mate (N. XXIII, 66) qui est apocryphe. SoLiN. — Solinus Polyhistor : Gité H. I, 26, 5,8,65, 131, etc. VTSCmr DE BEÂUVAIS. 53 s 8. Médecine, Chirurgie. Glareanus. — Chirurgia (H. VI). Platearius. — De simplici medicina (N. V, 93). S 9. Sciences agricoles. Caton. — De Re rustica (N. VI, 52). Palladius. — DeRe rustica (N. V, 25, 47, 48, etc.). S 10. Architecture. yrriÊiVv^.—DeArchitectura (N. IV, 43; N. V, 8, 75,27, etc.). §11. Sciences militaires. Végège. — De Re militari (D. XI, 58 et suiv. H. III, 8 1 . N. V, 40, 83). § 12. Science encyclopédique. m Marcianus Gapella, appelé simplement Marcianus. — Extraits (H. IV, 36, 37, 46). Vincent cite sept livres de Tou- vrage de Marcianus ; ce qui prouve qu'il le connaissait entier. VI Conclusion. Une question qu'il importe de poser et de résoudre est celle- ci : Vincent at-il connu, sinon tous, du moins les plus impor- tants des ouvrages anciens jouissant de son temps d'une cer- taine notoriété? En un mot, rencontre-t-on dans son Specu- lum la mention des auteurs principaux cités dans les œuvres de ses contemporains ou de ses devanciers immédiats? Voici la réponse : Des classiques grecs et latins , Vincent cite tous ceux qui étaient généralement connus en France de son temps, sauf Tite-Live qu'on trouve cité au ix' siècle par Loup, abbé de